Skip to main content

Sur la route le menant à Granville, Jean-Luc, qui n’aime pas tellement les GPS, s’arrête et consulte sa carte routière. Le camping-car n’est pas précisément du genre discret, c’est le moins qu’on puisse dire.

img 0989 copie

C’est ainsi qu’une voiture le repère et se gare aussitôt sur le bas-côté, juste à côté de Jean-Luc. Un homme en sort, très intrigué par nos autocollants « Le Défi de Caroline », surtout quand il lit que ce projet a pour objectif de « défendre les soins palliatifs » ! Extrêmement surpris, l’homme demande à Jean-Luc de lui expliquer ce que nous faisons ; il est en fait médecin, d’où son intérêt :

« Je suis le médecin de l’équipe mobile de soins palliatifs de Granville, et les soins palliatifs, généralement, on n’en parle pas beaucoup… alors je suis un peu scotché par ce que vous faites ! Je ne suis pas de garde aujourd’hui, mais je vais vous mettre en relation avec ma collègue, elle serait ravie de vous rencontrer. »

Dr Olivier Joulaud, centre hospitalier Avranches-Granville

Jean-Luc note les coordonnées de la docteur Valérie Régnier, médecin au sein de l’Unité de Soins Palliatifs (USP) de la Manche, située sur le site hospitalier de Granville ; Camille l’appelle un peu plus tard et on prévoit de venir dans leurs locaux le lendemain ! Fructueuse rencontre 🙂 Le vendredi 19 mai, nous avions justement un peu de temps : cela tombe à pic !

Le docteur Régnier a créé en 2001 l’équipe mobile de soins palliatifs (EMSP), qui avait pour mission de naviguer entre différents services. L’unité de soins palliatifs est au contraire un lieu fixe, d’une dizaine de lits, qui permet des prises en charge plus longue et surtout de meilleure qualité. Dans la Manche, elle est très récente (elle a ouvert en septembre 2021) : un signe d’espoir pour les soins palliatifs !

centre hospitalier avranches granville 750x460 1
Hôpital avec vue : sur la pointe de Granville… et la mer !

C’est donc une étape importante de notre périple, car nous allons pouvoir mieux comprendre les avantages indéniables de l’USP. Le docteur et son équipe, de rayonnantes infirmières et aides-soignantes, sont toutes disposées à nous détailler le fonctionnement de leur unité de l’intérieur. Elles nous expliquent :

Une unité de soins palliatifs, c’est un lieu vraiment dédié aux personnes incurables et/ou ayant des symptômes douloureux – mais aussi, et c’est essentiel, à leurs familles et à leurs proches. L’avantage de l’unité, c’est aussi que c’est un lieu où l’on peut réfléchir et (se) former, prendre le temps, faire avancer la recherche sur le soulagement de la douleur.

La docteur Régnier, qui a plusieurs dizaines d’années de carrière derrière elle, s’est intéressée très tôt aux soins palliatifs. Elle a vécu durant sa formation l’évolution et le développement des soins palliatifs, notamment avec la période marquée par le SIDA. La médecine a fait d’énormes progrès depuis une cinquantaine d’années. Aujourd’hui on ne souffre plus comme autrefois, quand on est bien pris en charge.

« Ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie » : ce message me parle bien, il résume assez l’état des esprit qu’on a ici à l’USP. On est vraiment dans un lieu de vie !

Docteur Valérie Régnier

L’équipe est souriante et semble très soudée. On sent une joie de vivre communicative, dans le joli salon des familles où nous sommes reçus (peint d’une belle couleur qui ne fait pas « hôpital » !). Les soignantes sont jeunes et s’expriment pour compléter le discours de leur médecin.

« Dans les soins pal’, on parle ! En fait, on pourrait presque appeler ça les soins PARL’ ! »

précise, tout sourire, une infirmière de l’équipe

Le docteur Régnier abonde dans son sens en nous expliquant l’importance des temps en équipe, des temps de transmission :

« Il faut absolument remettre la PAROLE au cœur du SOIN, remettre de la parole là où il n’y en a plus. Dans notre unité, on parle en équipe bien sûr, les briefings sont super importants. On parle avec le patient, on l’écoute. Et puis on parle avec les proches, et on permet aussi au malade de renouer le dialogue avec sa famille, quand c’est compliqué. On résout beaucoup de choses en prenant ce temps de l’écoute et de la parole ! »

Docteur Valérie Régnier, médecin de l’unité de soins palliatifs de Granville

Caroline a beaucoup de questions à poser à l’équipe. Un argument revient souvent chez ceux qui font de l’euthanasie ou du suicide assisté la seule solution : les souffrances réfractaires. Les soignantes de l’USP sont-elles souvent confrontées à ce genre de souffrances ? Quelles sont leurs solutions dans ce cas ?

« Déjà, quand on parle de souffrance réfractaire, c’est qu’avant ça on s’est donné tous les moyens connus par la médecine pour soulager cette souffrance. Qu’on est allé demander conseil à d’autres services experts, qu’on a tout fait pour soulager cette douleur. Lorsqu’on a fait tout ça, on peut alors envisager une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. La loi de 2016 est bien faite et suffisant! »

Docteur V. Régnier

La loi Claeys-Leonetti, votée en 2016, est la loi qui donne aujourd’hui un cadre à la fin de vie. En voici les grandes lignes :

  • L’accès aux soins palliatifs pour tous est renforcé.
  • Les directives anticipées rédigées par le patient deviennent contraignantes pour le médecin.
  • La désignation d’une personne de confiance est fortement conseillée, et son rôle est essentiel si la personne ne peut plus s’exprimer.
  • Les conditions de l’arrêt des traitements sont clarifiées : en cas d’obstination déraisonnable.
  • Le patient peut bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.

Malheureusement, cette loi est encore trop mal connue, du grand public mais aussi de certains soignants (!), qui retardent parfois le moment d’envoyer un patient en soins palliatifs, alors que la prise en charge est meilleure quand elle est fait plus en amont.

Dans l’unité de soins palliatifs de Granville, 10 à 15% des séjours sont des séjours provisoires : des personnes reçoivent des soins pendant une court période, puis repartent chez eux car leur maladie ne nécessite pas d’être en permanence à l’hôpital.

Le choix de l’unité de soins palliatifs (plutôt que du simple lité identifié ou de l’équipe mobile) se fait selon deux critères :

  • la proximité
  • et la complexité de la situation (médicale, mais aussi beaucoup sociale)

Toutes les personnes atteintes de maladies incurables et/ou terminales ne sont donc pas accueillies en unité de soins palliatifs, certains peuvent rester à domicile par exemple. Mais ce qui est sûr, c’est qu’un accueil en USP permet une prise en charge exceptionnelle d’humanité !

20230519 164259451 ios
A gauche, la docteur Valérie Régnier, de l’unité de soins palliatifs. Des soignantes de son équipe. A droite, le docteur Olivier Joulaud, de l’équipe mobile de soins palliatifs. Camille et Caroline.

Une des plus jeunes soignantes, qui était restée discrète jusque là, tient à nous donner son humble témoignage :

« J’avais beaucoup d’a priori, et même d’appréhensions avant d’arriver ici, mais maintenant je n’ai plus envie de repartir ! Ici, on a vraiment le temps de prendre soin de chaque personne. En tout cas je suis changée : j’ai beaucoup appris en unité de soins palliatifs, et ça m’a redonné goût à mon métier. »

une aide-soignante remplaçante de l’USP de Granville

Nous ressortons de cette rencontre renforcés dans notre combat : les personnes qui souffrent désirent être soulagées, et les soignants sont en mesure de le faire. Il s’agit maintenant de s’en donner les moyens sur tout le territoire pour une meilleure égalité entre les Français !