Depuis la dernière étape, Caroline, Jean-Luc et Camille roulent un peu plus de 100 km pour rejoindre un camping proche de Châteauroux. Manque de chance, celui-ci a fermé plus tôt qu’escompté : tant pis, à la guerre comme à la guerre, cette nuit se fera sur un simple parking…
Le lendemain, nous accédons au vrai camping et pouvons ainsi effectuer les branchements nécessaires pour nos deux véhicules de choc. Après un rapide déjeuner, Caroline et Jean-Luc enfourchent tricycle et vélo, direction le centre-ville de Châteauroux. L’occasion de distribuer quelques tracts et de parler du projet aux personnes rencontrées ! Quelques kilomètres de vélo, ce n’est aujourd’hui pas vraiment une étape mais il y a une bonne raison à cela : nous sommes attendus ! Et pas question d’être en retard ; les gens qui nous accueillent sont de ceux qui consacrent leur vie aux autres, et particulièrement aux plus souffrants…
C’est dans une petite zone résidentielle, dans une maison discrète, que sont installés les locaux de l’équipe d’appui en soins palliatifs du département de l’Indre. Monsieur Philippe Schneider, dont nous avons eu le contact il y a quelques jours, s’est en effet montré très intéressé pour rencontrer Caroline lors de son passage par Châteauroux. Il a donc réuni une partie de l’équipe ; le docteur Olivier Polidori, l’infirmière Emmanuelle Simoulin ainsi que la secrétaire Stéphanie Lemoine. Nous sommes ravis de les rencontrer pour ce temps d’échange très riche.
Dans la région Centre, les équipes départementales sont implantées depuis longtemps et forment un bon maillage territorial. Lorsqu’on demande au docteur Polidori ce qu’il aimerait qu’on retienne, il nous répond :
« Il faut absolument développer les soins palliatifs, mais je dirais surtout qu’il ne faut pas en avoir peur ! Il ne faut pas croire que c’est uniquement des médicaments ! »
Dr Olivier Polidori, médecin en EDASP – Indre
Le problème, c’est que les soins palliatifs sont généralement associés uniquement à la toute « fin de vie », alors que c’est avant tout une prise en charge de la douleur, une vision globale de la personne. Pour les malades concernés (ceux qui savent qu’ils ne vont pas guérir notamment), c’est essentiel de savoir que des personnes sont là pour eux, pour les accompagner. C’est le principe de non abandon, qui humanise les relations entre soignants et soignés.
« Les soins palliatifs, ça devrait être une philosophie, tout au long du parcours de soins. »
Bien sûr, on ne peut enlever absolument toutes les souffrances. D’ailleurs, la mort est forcément une souffrance, ne serait-ce que pour les proches : c’est très dur à vivre, c’est une épreuve psychologique. Mais les équipes peuvent apporter de la paix, rassurer les familles, et soulager la personne malade afin qu’elle parte, le plus possible, dans des « bonnes » conditions. En fait la vraie question, comme le souligne le docteur Polidori, c’est bien :
« Quelle place on laisse aux plus fragiles dans notre société ? »
Il ajoute que le législateur prend aujourd’hui le problème à l’envers : certains voudraient « aider à mourir » les gens qui se sentent être un poids pour la société. Ne faudrait pas plutôt chercher la cause de ce sentiment qui les envahit ?
L’entretien, passionnant, pourrait durer des heures. Mais il est temps de laisser cette admirable équipe retourner à ses patients. On se quitte sur une photo pour immortaliser la rencontre, ainsi que sur cette jolie histoire racontée par l’infirmière.
« Lorsqu’on rencontre un nouveau patient, on aime bien demander à ses proches ce que la personne aimait lorsqu’elle était en bonne santé. Un jour, on prend en charge un monsieur ; sa famille nous répond qu’il aimait beaucoup le Vouvray. C’est un monsieur qui ne pouvait plus boire. Et bien on lui a fait un soin de bouche au Vouvray ! Il est mort trois heures après, mais on a pu vivre avec lui ce dernier moment plein d’humanité. »
Emmanuelle Simoulin, infirmière en EDASP – Indre
Merci à toute l’équipe de nous avoir si bien reçus ! Ce passage à Châteauroux nous a aidés à mieux comprendre la réalité du terrain, et la manière dont les équipes départementales se démènent pour apporter un soin humain et généreux aux personnes les plus vulnérables.